Mer agitée

Mer agitée

by Christine Desrousseaux
Mer agitée

Mer agitée

by Christine Desrousseaux

eBook

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Overview

Sur une plage désertée par les estivants, Jean se plonge dans l’eau glacée. Quel que soit le temps, il part nager, pour oublier son corps trop vieux, oublier son petit-fils Léo, enfermé dans sa chambre et replié sur lui-même depuis son retour d’Afghanistan. Léo qui crie la nuit, Léo qui lui fait peur. À quel moment s’est envolé l’enfant rieur dont il était si proche ? Le jour où sa mère a disparu sans laisser de traces ? Ou lors de l’une de ses missions ?
Un soir, Léo, ivre, agresse une jeune fille. Il s’en tire à condition de présenter ses excuses. Mais quand une adolescente disparaît quelques jours plus tard, Jean va devoir affronter les gens du village qui voient en Léo un suspect idéal et deviennent de plus en plus hostiles. Lui-même commence à douter : et si ce petit-fils tant aimé avait commis l’irréparable ?
 
Sur une presqu’île battue par les vents du Nord, un homme essaie de prouver l’innocence de son petit-fils, envers et contre tout. Christine Desrousseaux nous offre un roman prenant et émouvant, rythmé par les saisons et les marées.
 

Product Details

ISBN-13: 9782366583007
Publisher: Kero
Publication date: 03/15/2017
Sold by: Hachette Digital, Inc.
Format: eBook
File size: 713 KB
Language: French

About the Author

Christine Desrousseaux est née en 1952. Parallèlement à son métier de conceptrice-rédactrice en publicité, elle a écrit des livres pour enfants et plusieurs romans policiers. Elle vit à Lille.

Read an Excerpt

Mer Agitee

Roman


By Desrousseaux Christine

Hachette Book Group

Copyright © 2017 Kero
All rights reserved.
ISBN: 978-2-36658-300-7


CHAPTER 1

Journal de mes baignades


12 septembre

La mer est lisse et grise. Un miroir que je pourrais briser en y posant le pied. Mais non. Le miroir se fend pour me laisser passer. L'eau est froide, beaucoup plus froide que ce que j'avais imaginé. Un froid que mon corps ne reconnaît pas, peine à identifier. Un froid qui brûle. Deux anneaux de feu enserrent mes chevilles. Je m'immobilise. À gauche, une pointe de rochers presque noirs, à droite la plage de sable qui se déploie, droit devant, l'horizon, ligne nette qui délimite le ciel de l'océan. La mer est basse. Il n'y a pas de vent, une odeur d'algues en décomposition plane dans l'air. C'est tout ce qu'il y a à dire.

J'avance à nouveau. L'eau atteint mes cuisses, mon sexe se recroqueville. Il y a dans ce froid quelque chose de dur, une épaisseur, comme si l'eau n'était pas un élément liquide, qu'elle contenait des épées brillantes et acérées prêtes à me transpercer.

Quand l'eau atteint ma taille, je m'immerge en poussant une plainte inarticulée, mon cœur se gonfle. Il lutte contre l'agression que je lui fais subir. Dans ma poitrine, il doit être écarlate, une grosse balle semble y battre, elle accélère le mouvement.

Je nage. Pas longtemps. La brasse, tête levée haut pour éviter les éclaboussures. Je me sens malhabile, mes gestes sont rouillés. Depuis quand je ne me suis pas baigné? Je ne sais plus. Mes cervicales vont encore me faire souffrir, voilà ce que je vais y gagner.

Quand je sors de l'eau, ma peau est rouge. Je ne sens plus rien. Anesthésié. Léger soudain. Comme si j'avais laissé l'enveloppe de mon corps là-bas, dans les vagues, la pesanteur du corps. C'est une sensation pas désagréable. En quelques pas, j'ai retrouvé ma serviette en éponge posée sur le dos d'un rocher et mes tongs. Je respire vite, comme si j'avais couru. Il n'y a personne sur la plage. Les estivants sont partis, tout le monde est parti.


13 septembre

Marée haute. Des vagues vertes et rondes, ourlées de blanc. Elles sont joueuses, les diablesses. Elles viennent se jeter sur mon ventre avec un entrain communicatif. Je sautille pour déjouer leurs ruses quand l'une, plus haute, plus téméraire, tente de me surprendre. Est-ce un effet de ce bouillonnement, l'eau me semble moins froide qu'hier.

Je ne nage pas, je me laisse porter par la houle, comme dans les bras d'une femme qui me ferait danser. À moins qu'ils ne me bercent? Non, le rythme de la danse plutôt, qui emporte, qui fait briller les yeux. Mon corps est délesté de ses raideurs, délesté de ce bagage de l'âge qui encombre ma vie, la ralentit. L'âme de l'homme jeune que j'ai été refait surface en moi.

Quand je sors de l'eau, j'ai le sourire aux lèvres, je m'en rends compte d'un coup, comme si ce sourire était une expression oubliée, d'un autre temps. D'un temps où Léo était encore un enfant.


14 septembre

J'ai préparé mon maillot et ma serviette et je suis resté derrière la fenêtre à regarder la pluie tomber. Elle ne s'est pas arrêtée. J'ai pensé emporter un parapluie. Se baigner sous le parapluie, pourquoi pas? Tous, ils me prendraient pour un vieux fou, c'est certain. C'est peut-être ce qu'ils pensent déjà. Sur la presqu'île, les réputations sont vite faites. Ensuite, quoi que vous fassiez, vous vous baladez au milieu des gens avec le masque de votre caricature collé sur le nez.

Je tourne en rond dans la maison, sans réussir à me mettre à quelque chose. C'est souvent comme ça les jours de pluie et, ici, ils sont assez nombreux dans l'année. On traîne, on regarde par la fenêtre, le ciel reste invisible, les vitres sont brouillées, il y a quelque chose de ralenti dans le rythme des heures.

Il m'a fallu un moment avant de m'avouer que les basses de sa sono me compressaient les tympans. Je ne suis pas allé dans sa chambre pour lui demander de baisser le son. Léo est ici depuis trois jours. « Je suis en perm », m'a-t-il dit. Il n'a pas précisé la durée que prendraient ces vacances.


15 septembre

Coefficient 96, est-il indiqué dans le journal qui précise les hauteurs de marée. Des vagues comme avant-hier, mais moins fortes. Un ciel profond où le bleu paraît très haut au-dessus de moi. Quelques nuages blancs vers l'horizon. Je marche parallèlement à la plage, l'eau serrant ma taille. Entre les vagues, j'aperçois mes jambes qui me semblent grossies et verdâtres. Un crabe s'enfuit de travers et part se cacher sous un minuscule amas d'algues. À droite, il y a un pêcheur qui tente sa chance sur le promontoire rocheux. Je le vois lancer sa ligne, la ramener, la lancer à nouveau. On est vendredi. C'est peut-être un touriste venu pour le week-end. Marie m'a dit qu'elle faisait encore le plein de ses chambres d'hôtes.

— Il paraît que tu vas te baigner maintenant? m'a-t-elle demandé.

Elle attendait une explication, je le voyais dans son regard fixé sur moi avec cette sorte de férocité qu'il peut avoir parfois. Elle voulait une réponse rationnelle, construite dans un rapport de cause à effet.

C'est vrai, pourquoi te baigner maintenant, hors saison, alors que tu ne mets pas les pieds sur la plage de tout l'été? Pourquoi te baigner à ton âge, à cet âge fragile où la santé se fissure au moindre écart, où le moindre rhume peut dégénérer en pneumonie, où le malaise cardiaque te guette à chaque effort, et la noyade, as-tu pensé à la noyade si tes forces t'abandonnent et que tu n'as pas pied?

Marie est une amie. Du moins, c'est le rôle qu'elle pense tenir auprès de moi, même si je reste toujours un peu en retrait de son amitié. Elle s'occupe de labibliothèque, elle est très active sur la presqu'île. Elle est plus jeune que moi, quelque part dans cette zone floue d'avant la soixantaine.

Je n'avais rien à lui répondre. Rien du tout. J'ai haussé les épaules.

— Oh, comme ça, ai-je murmuré.

— Et ton petit-fils, a-t-elle repris, tu dois être content de l'avoir chez toi?

Ses yeux d'un bleu presque transparent étaient toujours posés sur les miens, insistants, immobiles, réclamant leur dû d'explications, d'anecdotes, de développements.

Je ne sais pas ce que les gens savent. Je n'ai rien dit à propos de Léo. Rien dit sur son affectation, rien dit non plus sur cette permission. Marie, elle, en a sûrement parlé aux autres. J'imagine son air navré et excité à la fois: « Le pauvre, il est là-bas, c'est terrible pour Jean, il doit trembler pour lui. » J'ai hoché la tête d'un air dégagé.

— Oui, bien sûr, c'est très bien que Léo soit à la maison.

Ma voix m'a semblé mal posée, trop forte. Marie m'a relancé avec une autre question.

— Et il reste combien de temps?

Mais, heureusement, son téléphone a sonné, ce qui a coupé court à notre conversation.

J'ai commencé à me baigner le jour où Léo est arrivé à la maison.


16 septembre

J'ai voulu changer de plage pour éviter le vent froid qui souffle du nord-est. Mauvaise idée. Il y a des galets qui blessent la plante des pieds et rendent l'accès à la mer difficile. Il faudra y retourner à marée haute pour profiter de la zone de sable. Je me suis dépêché de me laisser couler, à peine l'eau à la taille. Le soleil a disparu au même moment, comme si tous les éléments étaient contre moi, vent, cailloux, nuages, comme si tous avaient décidé de me gâcher ma baignade. Ils n'y ont pas réussi. La même joie juvénile gagne mon corps dès qu'il s'immerge, elle me déborde, je ne m'y attendais pas.

Pendant quelques instants, j'oublie la maison, et le silence de Léo, et les basses de sa sono qui battent comme un cœur épuisé. Et ses yeux qui ne rencontrent jamais les miens.


17 septembre

Suis retourné à ma plage. Celle des premiers jours. Beaucoup d'algues aujourd'hui. Des gros paquets bruns à l'odeur forte. Il faut les traverser avant de se glisser dans la transparence de l'eau. À la maison, j'ai trouvé des lunettes de piscine – qui a pu les oublier ici, je l'ignore – et, grâce à elles, je tente la brasse coulée. Souvenirs de bassin. Voix du maître nageur, cris se réfléchissant sur les céramiques, brume javellisée. J'inspire, je plonge la tête, bras jetés en avant, je synchronise les jambes, je déploie les bras, j'expire, je recommence. Je ne pensais pas que l'eau pouvait paraître si froide sur le visage. Comme une main de glace qui le saisit, le transforme en pierre.


18 septembre

Un vol de pluviers au-dessus de moi. Leurs petites ailes vibrantes d'éclats de soleil. Ils sont passés une seconde fois pour me saluer de leurs cris brefs. Comme je porte le nouveau maillot de bain que j'ai acheté par correspondance, je me suis dit qu'ils repassaient pour admirer sa belle couleur orange. La mer transforme le corps. En une semaine, ma peau est plus tendue, plus ferme, une métamorphose inattendue à mon âge. Je ressemble un peu moins à un cadavre en devenir, me semble-t-il, un cadavre qui a commencé sa longue et inexorable mue.

La mer change-t-elle l'esprit aussi? Lui offre-t-elle un regain de jeunesse?


19 septembre

Le vent est fort. Je dois lutter pour marcher vers les plages. Il mugit dans les oreilles sa chanson folle. Je finis par atteindre la petite crique protégée où il se tait soudain. Je me déshabille. Le ciel est blanc, la mer aussi, plus loin, les vagues battent méchamment les rochers, je reste longtemps à les regarder, ma serviette sur les épaules. Puis je me mêle aux éléments. Ça gronde, ça gifle, ça bouillonne. Bizarrement, ce grand tumulte me calme.

Cette nuit, je me suis levé pour aller aux toilettes. Il y avait un rai de lumière sous la porte de Léo. Après avoir tiré la chasse d'eau, je me suis approché de sa chambre, j'ai écouté. Aucun bruit.

— Léo, ai-je murmuré à voix basse.

Pas de réponse. Je n'ai pas osé entrouvrir la porte. Dort-il la lumière allumée?


20 septembre

Fatigué. Mon corps tout entier se rétracte à l'idée du bain, il n'en a pas envie, il me supplie de lui laisser du répit, de rentrer retrouver la chaleur de la maison. Je ne l'écoute pas, je passe outre. La mer est hostile. Une soupe couleur de métal. Le vent s'est calmé. L'eau à la taille, je m'arrête. Une onde de plaisir me pénètre à forcer ainsi mon corps, à le flageller en soulevant de mes mains des geysers d'eau glacée.

Cette nuit, Léo a hurlé. Quand je suis venu dans sa chambre pour voir ce qui se passait, il m'a regardé avec des yeux de fou. Il était recroquevillé dans un coin de la pièce. Il tenait la tringle à rideaux dans la main. J'ai cru qu'il allait me sauter dessus.

— Calme-toi, Léo, c'est moi.

Ses yeux continuaient à rouler dans leurs orbites, le blanc s'était agrandi et paraissait démesuré. J'ai répété:

— Léo, c'est moi, c'est Jean, ton grand-père.

Tout à coup, il s'est effondré et s'est mis à sangloter. Il parlait d'une voix que je ne lui connaissais pas, une voix atroce. Il suppliait. Dans le délire des mots, il y avait couteau, gorge, saigner, porc.

J'ai réussi à lui faire avaler un de mes somnifères. J'ai attendu que les effets agissent. Il ne voulait pas se rendormir. Il tremblait à l'idée que ça recommence, le corps secoué de tressaillements. Il tremblait vraiment de tous ses membres comme s'il avait de la fièvre.

En quittant sa chambre, j'ai pensé à l'enfant qu'il avait été, et aux vacances qu'il passait avec moi sur la presqu'île chaque année. Aurais-je dû mieux m'occuper de lui, et cette fêlure que très tôt j'ai sentie chez lui, aurais-je dû m'en inquiéter davantage? À sa source, il y a eu la disparition de sa mère. Il avait six ans. Antonia s'est volatilisée. Personne ne sait ce qui est advenu d'elle ou de son corps, personne ne sait si elle est morte ou vivante, même si rapidement, tous, les policiers comme Lucas, mon fils, ont plus ou moins conclu qu'elle avait trouvé la mort dans des circonstances dramatiques et que c'était la seule réponse à donner à cette énigme. Nous étions tous enfoncés jusqu'aux narines dans la boue de la tristesse. Nous n'avons pas vu que Léo, lui, s'y noyait.

C'est cette même fêlure qui a conduit mon petit-fils à s'engager dans l'armée et à me téléphoner un matin pour me dire:

— Jean, c'est l'Afgha.

— Quoi? lui ai-je répondu.

L'Afgha. Je n'avais pas compris que mon petit-fils partait faire la guerre au pays des moudjahidines.


21 septembre

Je nage. Je nage. Ma brasse coulée s'améliore, je suis moins essoufflé. J'ai réussi à atteindre la barque qui doit se trouver à trois cents mètres de la rive. J'ai agrippé la chaîne qui la retient à son ancre quelques instants pour reprendre mon souffle. C'est une vieille barque en bois bleu et blanc. Là où la peinture est écaillée, on devine les épaisses couches successives, il y a toutes les couleurs.

Antonia. Écrire hier ce prénom dans mon journal a ravivé mes souvenirs. J'aimais beaucoup ma première belle-fille. La seconde est australienne. Lucas a refait sa vie, il habite là-bas, dans la banlieue de Sydney. Il a eu de nouveaux enfants que je ne connais qu'à travers Skype. C'est ainsi. Pour eux, je suis un papy virtuel, qui leur bredouille quelques mots dans un mauvais anglais sur un écran.

Antonia. Je revois son visage aussi nettement que si elle nous avait quittés la veille. Peau pâle, cheveux et yeux couleur noisette, front haut, souvent soucieux, me semblait-il à l'époque, sans savoir s'il cachait réellement des soucis ou si ce n'était qu'un détail de sa géographie personnelle. Silencieuse, avais-je aussi remarqué, mais cela ne me gênait guère. Une présence douce et apaisante. Elle avait la double nationalité, française et espagnole, et cela s'entendait dans sa façon de prononcer certains mots. Je possède toujours un petit tableau qu'elle avait peint ici après la naissance de Léo. Une marine sombre comme un jour de pluie, on y voit une minuscule silhouette arpenter le rivage.

Juste après la baignade, j'ai croisé Marie à la supérette. J'aurais préféré l'éviter, mais ça n'a pas été possible. Elle m'a coincé avec son Caddie devant les bacs de légumes. J'avais encore les cheveux mouillés.

— C'est pas vrai que tu te baignes encore, tu vas te choper une pneumonie ou un truc du genre!

J'ai pesé mes bananes.

— Tu exagères toujours, Marie, nous ne sommes qu'en septembre, l'eau n'est pas si froide, et puis je me suis habitué.

Un homme dans la soixantaine, lunettes, tonsure, cernes violacés, s'est immiscé dans notre conversation. Il savait tout sur les courbes de température et avait sa théorie sur la question. Pour lui, l'eau ne perdait qu'un degré par mois par rapport au plein été.

— Vous n'avez pas connu Adèle, elle se baignait toute l'année. À plus de soixante-dix ans. De janvier à décembre. Elle disait qu'elle n'irait pas le jour où il neigerait. Et ici, la neige, c'est une rareté.

Marie a froncé les sourcils.

— Et ça lui a réussi?

— Ça dépend ce que vous entendez par réussir, a rétorqué l'homme. Elle est morte, comme tout le monde.


22 septembre

Pluie. Pluie. Pluie. Un rideau ininterrompu. Je décide de laisser tomber. Comme Adèle les jours de neige. J'avais demandé à l'homme où elle se baignait. « Un peu partout », m'avait-il répondu. Elle choisissait sa plage en fonction du vent, des marées. Elle avait toujours un maillot et une serviette dans la sacoche de son vélo.

Moi, je reste fidèle aux deux ou trois plages les plus proches de chez moi. Celles où je peux me rendre à pied sans rencontrer personne.

Ce matin, les basses donnaient à fond contre le mur. C'est le seul son que j'entends venir de sa chambre. Je ne sais pas ce qu'il fait à longueur de journée. Je le vois aux heures de repas. Et quand il se plante devant la télé. Il la regarde avec un air absorbé et absent à la fois. Je ne suis pas sûr qu'il comprenne les images qui défilent sous ses yeux. Il change de chaîne pendant les infos, dès qu'il y a des séquences de guerre. C'est-à-dire presque chaque fois.

— Est-ce que tu pourrais utiliser ton casque pour la musique? ai-je suggéré à Léo quand il est venu se mettre à table ce midi.

Il a hoché la tête et a mangé mécaniquement ce que je lui ai mis dans son assiette. Je n'entends plus les basses résonner contre les murs. C'est presque angoissant, le retour du silence. Peut-être la pluie va-t-elle s'arrêter de tomber.


23 septembre

L'indice de marée est élevé, ces jours-ci, ce sont les marées de l'équinoxe, et la mer est partie loin. Je dois marcher un moment sur la grève désertée pour trouver une vasque d'eau juste assez profonde pour me baigner. C'est un petit lac vert et transparent. Tout autour, là où il y a des rochers et des algues, l'eau paraît noire. On dirait que c'est de l'encre qui la colore ainsi et non les fonds qui l'assombrissent. Je barbote un moment dans la vasque. Quelques pêcheurs de crevettes fouillent les rochers avec leur haveneau. Quand Léo était enfant, il adorait ça, la pêche à pied. On arpentait ensemble les meilleurs coins de la presqu'île, on rentrait avec nos paniers pleins de crevettes brillantes et agitées.

La nuit dernière, je me suis levé pour boire un verre d'eau. Il y avait toujours de la lumière sous sa porte. Cette fois-ci, j'ai frappé.


(Continues...)

Excerpted from Mer Agitee by Desrousseaux Christine. Copyright © 2017 Kero. Excerpted by permission of Hachette Book Group.
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