La Germanie (Illustrated)
I. — LA VIE ET LES OUVRAGES DE TACITE.

Nous avons bien peu de détails certains sur la vie de Tacite. Son prénom était-il Publius comme le témoigne un manuscrit des Annales ou Caius comme l’écrit Sidoine Apollinaire? Appartenait-il à la gens Cornelia? Son père était-il ce chevalier romain, procurateur de la Gaule Belgique, nommé dans une inscription et dont parle Pline l’Ancien? Autant de questions toujours renouvelées, jamais épuisées, auxquelles on ne pourra fournir aucune réponse certaine tant que de nouvelles découvertes n’apporteront pas des preuves indiscutables[1]. On admet cependant que Tacite est né en 54 ap. J.-C. ou 55 au plus tard. Mais on retombe dans l’incertitude, dès qu’on veut déterminer le lieu de sa naissance. Les habitants de Terni, l’ancienne Interamna, à peu de distance de Florence, le réclament pour compatriote; mais ce n’est pas fournir des arguments que de dresser des statues et l’on sait trop bien que cette tradition remonte à l’empereur Tacite (275–276 ap. J.-C.) qui naquit à Interamna et se fit passer pour le descendant de l’illustre historien. Cette parenté, même démontrée, ne pourrait être un argument incontestable en faveur des habitants de Terni, et il faut renoncer à disserter sur cette heureuse coïncidence qui aurait rapproché les berceaux de Tacite, de Michel-Ange et de Machiavel.

[1] La récente découverte d’une inscription paraît avoir levé tous les doutes en faveur du prénom de Publius.
Que l’éducation de Tacite se soit faite à Rome, au milieu [6] des vices raffinés qui minaient la société, ou dans quelque province où les antiques traditions, mieux conservées, trempaient plus fortement les âmes, il est probable qu’en aucun cas il ne se laissa entamer par la corruption de son siècle. Il s’adonna d’abord à l’éloquence, qui, malgré l’établissement de l’Empire et la suppression des grands débats politiques, restait la base et presque l’unique objet des études pour les jeunes romains de bonne famille. La philosophie semble l’avoir moins attiré. Pline le Jeune, qui fut très lié avec lui, nous atteste ses succès oratoires et caractérise son éloquence d’un mot qui résume tout un côté du génie de Tacite: «Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνῶς.» Nous connaissons d’ailleurs les idées de Tacite sur l’art oratoire par son premier ouvrage, le Dialogue des orateurs, dont l’authenticité a été contestée, mais à tort, semble-t-il. Ses préférences vont à Cicéron, qu’il se propose d’imiter, mais le style de ce dialogue, quoique différent, à la vérité, de la vraie manière de Tacite telle que nous la révèlent les Annales et les Histoires, nous fait sentir déjà que le temps des larges et symétriques périodes est passé.

Cependant Tacite ne se confinait pas dans les déclamations d’école et les débats judiciaires. Successivement questeur sous Vespasien, édile ou tribun du peuple sous Titus, préteur sous Domitien, il parvint au consulat sous le règne de Nerva en 97. Il eut alors à prononcer l’éloge de Verginius Rufus, mort simple citoyen après avoir refusé l’empire. Ce fut probablement dans l’année qui suivit son consulat qu’il écrivit l’Agricola. Il retraçait, en phrases émues, éloquentes, et semées de mots profonds, la vie de son beau-père, qu’il représentait comme le type du fonctionnaire intègre et digne sous un gouvernement corrompu. Vers le même temps, entre 98 et 100, il publiait la Germanie.

Ces courts écrits, dans lesquels on sent le style si original de Tacite tendre de plus en plus à la brièveté et à la profondeur tout en s’animant d’une couleur poétique assez prononcée, conduisent insensiblement aux grands ouvrages de l’écrivain: les Annales et les Histoires. On ne saurait assez regretter que le temps ait creusé dans ces deux chefs-d’œuvre d’irréparables lacunes.
1117477626
La Germanie (Illustrated)
I. — LA VIE ET LES OUVRAGES DE TACITE.

Nous avons bien peu de détails certains sur la vie de Tacite. Son prénom était-il Publius comme le témoigne un manuscrit des Annales ou Caius comme l’écrit Sidoine Apollinaire? Appartenait-il à la gens Cornelia? Son père était-il ce chevalier romain, procurateur de la Gaule Belgique, nommé dans une inscription et dont parle Pline l’Ancien? Autant de questions toujours renouvelées, jamais épuisées, auxquelles on ne pourra fournir aucune réponse certaine tant que de nouvelles découvertes n’apporteront pas des preuves indiscutables[1]. On admet cependant que Tacite est né en 54 ap. J.-C. ou 55 au plus tard. Mais on retombe dans l’incertitude, dès qu’on veut déterminer le lieu de sa naissance. Les habitants de Terni, l’ancienne Interamna, à peu de distance de Florence, le réclament pour compatriote; mais ce n’est pas fournir des arguments que de dresser des statues et l’on sait trop bien que cette tradition remonte à l’empereur Tacite (275–276 ap. J.-C.) qui naquit à Interamna et se fit passer pour le descendant de l’illustre historien. Cette parenté, même démontrée, ne pourrait être un argument incontestable en faveur des habitants de Terni, et il faut renoncer à disserter sur cette heureuse coïncidence qui aurait rapproché les berceaux de Tacite, de Michel-Ange et de Machiavel.

[1] La récente découverte d’une inscription paraît avoir levé tous les doutes en faveur du prénom de Publius.
Que l’éducation de Tacite se soit faite à Rome, au milieu [6] des vices raffinés qui minaient la société, ou dans quelque province où les antiques traditions, mieux conservées, trempaient plus fortement les âmes, il est probable qu’en aucun cas il ne se laissa entamer par la corruption de son siècle. Il s’adonna d’abord à l’éloquence, qui, malgré l’établissement de l’Empire et la suppression des grands débats politiques, restait la base et presque l’unique objet des études pour les jeunes romains de bonne famille. La philosophie semble l’avoir moins attiré. Pline le Jeune, qui fut très lié avec lui, nous atteste ses succès oratoires et caractérise son éloquence d’un mot qui résume tout un côté du génie de Tacite: «Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνῶς.» Nous connaissons d’ailleurs les idées de Tacite sur l’art oratoire par son premier ouvrage, le Dialogue des orateurs, dont l’authenticité a été contestée, mais à tort, semble-t-il. Ses préférences vont à Cicéron, qu’il se propose d’imiter, mais le style de ce dialogue, quoique différent, à la vérité, de la vraie manière de Tacite telle que nous la révèlent les Annales et les Histoires, nous fait sentir déjà que le temps des larges et symétriques périodes est passé.

Cependant Tacite ne se confinait pas dans les déclamations d’école et les débats judiciaires. Successivement questeur sous Vespasien, édile ou tribun du peuple sous Titus, préteur sous Domitien, il parvint au consulat sous le règne de Nerva en 97. Il eut alors à prononcer l’éloge de Verginius Rufus, mort simple citoyen après avoir refusé l’empire. Ce fut probablement dans l’année qui suivit son consulat qu’il écrivit l’Agricola. Il retraçait, en phrases émues, éloquentes, et semées de mots profonds, la vie de son beau-père, qu’il représentait comme le type du fonctionnaire intègre et digne sous un gouvernement corrompu. Vers le même temps, entre 98 et 100, il publiait la Germanie.

Ces courts écrits, dans lesquels on sent le style si original de Tacite tendre de plus en plus à la brièveté et à la profondeur tout en s’animant d’une couleur poétique assez prononcée, conduisent insensiblement aux grands ouvrages de l’écrivain: les Annales et les Histoires. On ne saurait assez regretter que le temps ait creusé dans ces deux chefs-d’œuvre d’irréparables lacunes.
0.99 In Stock
La Germanie (Illustrated)

La Germanie (Illustrated)

La Germanie (Illustrated)

La Germanie (Illustrated)

eBook

$0.99 

Available on Compatible NOOK devices, the free NOOK App and in My Digital Library.
WANT A NOOK?  Explore Now

Related collections and offers

LEND ME® See Details

Overview

I. — LA VIE ET LES OUVRAGES DE TACITE.

Nous avons bien peu de détails certains sur la vie de Tacite. Son prénom était-il Publius comme le témoigne un manuscrit des Annales ou Caius comme l’écrit Sidoine Apollinaire? Appartenait-il à la gens Cornelia? Son père était-il ce chevalier romain, procurateur de la Gaule Belgique, nommé dans une inscription et dont parle Pline l’Ancien? Autant de questions toujours renouvelées, jamais épuisées, auxquelles on ne pourra fournir aucune réponse certaine tant que de nouvelles découvertes n’apporteront pas des preuves indiscutables[1]. On admet cependant que Tacite est né en 54 ap. J.-C. ou 55 au plus tard. Mais on retombe dans l’incertitude, dès qu’on veut déterminer le lieu de sa naissance. Les habitants de Terni, l’ancienne Interamna, à peu de distance de Florence, le réclament pour compatriote; mais ce n’est pas fournir des arguments que de dresser des statues et l’on sait trop bien que cette tradition remonte à l’empereur Tacite (275–276 ap. J.-C.) qui naquit à Interamna et se fit passer pour le descendant de l’illustre historien. Cette parenté, même démontrée, ne pourrait être un argument incontestable en faveur des habitants de Terni, et il faut renoncer à disserter sur cette heureuse coïncidence qui aurait rapproché les berceaux de Tacite, de Michel-Ange et de Machiavel.

[1] La récente découverte d’une inscription paraît avoir levé tous les doutes en faveur du prénom de Publius.
Que l’éducation de Tacite se soit faite à Rome, au milieu [6] des vices raffinés qui minaient la société, ou dans quelque province où les antiques traditions, mieux conservées, trempaient plus fortement les âmes, il est probable qu’en aucun cas il ne se laissa entamer par la corruption de son siècle. Il s’adonna d’abord à l’éloquence, qui, malgré l’établissement de l’Empire et la suppression des grands débats politiques, restait la base et presque l’unique objet des études pour les jeunes romains de bonne famille. La philosophie semble l’avoir moins attiré. Pline le Jeune, qui fut très lié avec lui, nous atteste ses succès oratoires et caractérise son éloquence d’un mot qui résume tout un côté du génie de Tacite: «Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνῶς.» Nous connaissons d’ailleurs les idées de Tacite sur l’art oratoire par son premier ouvrage, le Dialogue des orateurs, dont l’authenticité a été contestée, mais à tort, semble-t-il. Ses préférences vont à Cicéron, qu’il se propose d’imiter, mais le style de ce dialogue, quoique différent, à la vérité, de la vraie manière de Tacite telle que nous la révèlent les Annales et les Histoires, nous fait sentir déjà que le temps des larges et symétriques périodes est passé.

Cependant Tacite ne se confinait pas dans les déclamations d’école et les débats judiciaires. Successivement questeur sous Vespasien, édile ou tribun du peuple sous Titus, préteur sous Domitien, il parvint au consulat sous le règne de Nerva en 97. Il eut alors à prononcer l’éloge de Verginius Rufus, mort simple citoyen après avoir refusé l’empire. Ce fut probablement dans l’année qui suivit son consulat qu’il écrivit l’Agricola. Il retraçait, en phrases émues, éloquentes, et semées de mots profonds, la vie de son beau-père, qu’il représentait comme le type du fonctionnaire intègre et digne sous un gouvernement corrompu. Vers le même temps, entre 98 et 100, il publiait la Germanie.

Ces courts écrits, dans lesquels on sent le style si original de Tacite tendre de plus en plus à la brièveté et à la profondeur tout en s’animant d’une couleur poétique assez prononcée, conduisent insensiblement aux grands ouvrages de l’écrivain: les Annales et les Histoires. On ne saurait assez regretter que le temps ait creusé dans ces deux chefs-d’œuvre d’irréparables lacunes.

Product Details

BN ID: 2940148841302
Publisher: Lost Leaf Publications
Publication date: 09/26/2013
Sold by: Barnes & Noble
Format: eBook
File size: 811 KB
Language: French
From the B&N Reads Blog

Customer Reviews